Histoire des mangas/Le manga

Le manga

Se traduisant par « image dérisoire » ou « esquisse au gré de la fantaisie », le manga est une bande dessinée japonaise. Par extension, il désigne des réalisations étrangères, dessins animés ou autres produits dérivés… respectant les codes visuels et graphiques des productions japonaises.


Les rouleaux enluminés ou emaki

Estampe de 4m20 reproduisant l'un des rouleaux des animaux de Toba (Vers 1900)

"Tokaido" d'Eisho vers 1800. Exceptionnel emaki (rouleau de 6m80 avec encarts, textes et bulles).

Rouleau de 1817 avec textes épousant les illustrations.


L’emaki (littéralement « rouleau peint ») ou emakimono est un système de narration horizontale illustrée dont les origines remontent à l'époque de Nara au VIII siècle au Japon, copiant au début leurs pendants chinois bien plus anciens, nommés gakan.
 L'emaki constitue par conséquent un genre narratif proche du livre, développant des histoires romanesques, épiques ou illustrant les textes et légendes religieuses.

Les rouleaux des animaux réalisés au XII ème siècle, chefs-d’œuvre du genre, sont attribués au Prêtre Toba et ses disciples mais sans certitude. Peintures de plus de 11 mètres, ces trois emaki caricaturent la vie des moines bouddhistes japonais à l’époque de l’artiste. Il sont représentés par des grenouilles, des lapins, des singes... Les rouleaux se lisent de droite à gauche, tout comme de nos jours les mangass et les ouvrages japonais.

Les estampes ou ukiyo-e

S’inscrivant dans la tradition graphique et picturale du Japon, les estampes ou ukiyo-e « images du monde flottant » apparaissent au XVIIème siècle. Gravées sur bois, d’abord en noir et blanc, elles traduisent de manière objective ou satirique la réalité de la société japonaise  et les centres d’intérêt de la bourgeoisie : les femmes, l’érotisme, le théâtre, les jeux de lutte, le spectacle de la nature, le fantastique…
Excellant dans cet art et ses techniques, les illustrateurs japonais vont déborder d’imagination, d’ingéniosité et de talent dans la réalisation d’œuvres  qui prennent aussi la forme de petits recueils illustrés d’une grande variété

les "Tobae"
On désigne sous ce nom, les recueils d’estampes humoristiques se réfèrent au nom de prêtre Toba

Ukiyoe book 1720

Couverture d'un recueil, 1850

Tobae 1750

La "Manga" d'Hokusai

C’est à partir de 1814 et jusqu’en 1834, que l’artiste Katsushira HOKUSAÏ publie douze recueils de croquis qu’il nomme « Manga », première apparition du terme dans l’histoire des arts graphiques japonais.
 Né en 1760, il devient, après avoir vécu dans la pauvreté, un maître dans cet art de l’estampe 

Sous forme de 15 recueils différents, les "Hokusai manga" constitue une collection de croquis abordant les sujets les plus divers: paysages, faune et la flore, vie quotidienne, surnaturel... Ils ont été réalisés selon les techniques de l'estampe mais seulement en trois couleurs: noir, gris, et couleur chair.

Le mot "manga" qui figure dans le titre ne se réfère pas aux mangas tels que nous les connaissons aujourd'hui, car les différents croquis figurant dans ces carnets ne forment pas une histoire, mais traitent de sujets séparés les uns des autres.

La "Manga" n°1 d'Hokusaï, 1814

Page de la Manga d'Hokusaï

Les images d'Otsu-e

Peintures populaires du Japon de l’époque d’Edo (1603-1868), ces images étaient vendues aux pèlerins et aux voyageurs dans la ville d’Ôtsu sur la grande route commerciale de Tokyo à  Kyôto.
Les « ôtsu-e », au style enlevé, puisèrent d’abord leur inspiration dans l’iconographie bouddhique, avant de devenir des peintures profanes à caractère moral ou satirique.
A partir du 19 siècle, ces images où se côtoient dieux, démons, personnages, animaux… vont passer d’une centaine à une dizaine seulement, prenant chacune d’entre-elles, valeur de porte bonheur et de vertu protectrice.
Au même titre que les illustrations sur les rouleaux et estampes japonaises, les « ôtsu-e » ont contribué à l’esprit et à l’histoire des mangas.

Image

Otsue : des images « porte bonheur »
 
Le singe à la gourde : résout les problèmes
Le Dieu du tonnerre : protège de la foudre
La Divinité de la longévité au grand crâne : assure une longue vie.
Le fauconnier : retrouve un bien perdu ou volé et favorise les bonnes récoltes.
Guerrier aiguisant sa flèche : réalise les vœux.
Jeune fille à la glycine : favorise un bon mariage.
Le guerrier Benkei à la lourde cloche : garantie la force et la richesse.

Triptyque de Kuniyoshi représentant l'artiste au milieu des personnages et des images d'Otsu-e

Dérision et caricature

Nombres d’estampes reflètent la façon de vivre des habitants d’Edo (Tokyo) pour lesquels tout semblait prétexte à jouir de l’existence.
La précarité et la dureté de la vie quotidienne, les fréquents incendies, les tremblements de terres à répétition les incitaient d’autant plus à s’amuser et à profiter du moment présent.
C’est dans ce contexte que les maîtres de l’estampe firent preuve d’ingéniosité et d’humour pour traduire cette atmosphère.

La caricature et l’humour
Pour divertir, certains maîtres de l’estampe traitent avec humour, au moyen de petites scènes annotées, les travers des hommes mais aussi de leurs « Yokaï »  petits monstres ou esprits des croyances japonaises.
C’est vers la fin de la période d’Edo (1603-1868) avant l’ouverture du Japon sur le monde extérieur que Utagawa Kuniyoshi crée ses fameuses estampes spectaculaires prenant la forme de visages recomposés à la manière des œuvres d’Arcimboldo. Les premiers tirages de ces estampes demeurent de grandes raretés. Elles constituent donc des pièces exceptionnelles dans l’histoire des estampes, de la caricature et de la dérision dont se nourrissent l’esprit et l’essence même des mangas.

Bataille de pets d'Hiroshige vers 1850

Exceptionnelle estampe de KUNIYOSHI, 1848 « Il fait peur mais en fait il est gentil ! »

Estampe d’Utagawa KUNIYOSHI, vers 1850

Rare triptyque « La grande bataille des légumes et animaux marins» par Utagawa HIROKAGE,1859.

Cases et bandes dessinées

Très proches des mangas par leur division en cases, certaines estampes reflètent la diversité des découpes en images annotées (estampes pédagogiques, imagiers  ou encore récits en cases relatant les exploits de célèbres samouraïs.

Estampe 8 cases (catastrophes)

Histoire en 8 cases

Quand le chat n'est pas là!,1882.

Histoire de Minamoto no Yoshtsune 1883

Histoire en 21 cases de Kato Kiyomase, 1883

Premières bulles et phylactères

Bien que les phylactères soient apparus au japon dans les bandes dessinées au début du XXème siècle, ils sont utilisés dans certaines estampes du 19 pour exprimer la pensée, la parole… (en caractères ou en images). Parfois même ils représentent un esprit ou un démon.

Estampe avec bulle, 1852

Estampe avec phylactère, 1850

Phylactère avec un démon, 1863

Triptyque "Le singe Sangoku en présence des 100 démons" Estampe de Tamakun vers 1850

Petit livre Shunga

Shunga avec illustrations et phylactères

Les premières cartes postales japonaises avec bulles